El Toro (Daniel Dray) utilise un micro Philips EL 6031. A la batterie, sur cette photo et la suivante, Charlot Benaroch.

Si vous aimez comme nous identifier les instruments sur les pochettes de disques et sur les vieilles photos d’orchestres, vous avez sans doute facilement reconnu la guitare Roger 54 que tient Jacques Dutronc sur les deux premiers 45T 4 chansons Vogue d’El Toro et les Cyclones, mais vous n’avez sans doute pas manqué de vous demander quelle pouvait bien être la marque et le modèle de la guitare d’Hadi Kalafate, transformée par ses soins en basse en lui ôtant les mécaniques des corde de ré  et du mi aigu. Si la finition pailletée peut tout d’abord faire penser à une Hagström De Luxe suédoise, il s’agit en fait d’une guitare allemande (Allemagne de l’ouest), de marque Voss. Un exemplaire, presque identique, se trouve dans les réserves du MuPop, le musée de musiques populaires de Montluçon.

Notez, comme sur la guitare d’Hadi Kalafate, la forme caractéristique de la tête. Sur la guitare du MuPop, le manche est composé de 3 pièces, érable, sans doute acajou, érable. A l'inverse, sur la guitare d'Hadi Kalafate, les deux parties extérieures du manche sont en bois foncé et la partie intérieure en bois clair. Sur la guitare du MuPop, le manche comporte un truss-rod dont le réglage se trouve sur la tête. La touche est en bois sombre, essence non identifiée, dépourvue de frette zéro et comporte 20 cases avec des repères en points jusqu’à la douzième case. La guitare d’H. Kalafate ne compte que 18 frettes. Les suivantes ont peut-être été enlevées lors de l'opération de bassification.

Le manche est vissé. Les chiffres romains, identiques sur le tenon et la mortaise, ont sans doute servi à réassocier manche et corps, ajustés avant finition. La guitare fait peut-être partie d’un lot d’au moins 22.

Le corps est creux, en peuplier, la table et le fond sont en placage de peuplier. Une feuille de plastique pailleté est rajoutée sur la table, le fond et les éclisses. Notez les coulures de colle blanche.

Deux micros Fuma simples bobinages, réglables en hauteur. Les plots, avec leurs entailles en astérisque, caractéristiques de la marque, ne sont pas réglables.

Si la guitare d’Hadi Kalafate est bleue avec une plaque de protection argentée, celle du MuPop est champagne avec une plaque émeraude. Les éclisses et le fond sont argent, pailletés. Les réglages comportent un interrupteur marche/arrêt par micro, un volume général, deux réglages de tonalité, un grave et un aigu, agissant sur les deux micros à la fois.

Les 3 potentiomètres, identiques, sont des  DRALOWID 58Z (Allemagne), 1 Méga Ohm linéaires, associés à 2 condensateurs  WIMA 0.1 et 47 micro farads 400v. Si les réglages semblent être les mêmes sur la guitare d’Hadi Kalafate, leur disposition est différentes. De même, les boutons en plastique noir « chicken heads », têtes de poulet, comme sur un Vox AC30, de la guitare d’H. Kalafate font place sur la celle du MuPop à des boutons  qui rappellent les « tea cups », tasses à thé, montés sur les Höfner et qui ont probablement perdus leurs coupelles dorées.

Le jack, d’un diamètre (jamais vu ailleurs) de 6.35mm, est situé sur la plaque de protection sur la guitare du MuPop alors qu’il se trouve sur l’éclisse, à une position assez haute, inhabituelle, sur la guitare d’H. Kalafate.

A remarquer : la qualité du chevalet réglable en ébène.

On retrouve des vibratos assez semblables, pobablement de fabrication allemande (marque inconnue) sur certaines Framus Hollywood. La guitare d’Hadi Kalafate est équipée d’un cordier du type de ceux montés sur les Höfner.

El Toro et les Cyclones, deuxième version. André Crudo à la batterie : Jacques Wolfson a réaffecté Charlot Benaroch aux Fantômes. La guitare ne comporte qu’une seule attache courroie, en bas de caisse. Les sangles des guitares de J. Dutronc et H. Kalafate sont nouées au niveau de la tête.

Sans doute comme Jacques Dutronc, sa Gretsch 6120 et l’ampli assorti achetés avec une avance consentie par Vogue et Jacques Wolfson, Hadi Kalafate fera rapidement l’acquisition de la magnifique Jazz Bass Fender Fiesta Red, plaque écaille de tortue (chez Paul Beuscher ? Chez Major Conn ?) que l’on voit sur les 45T suivants de la troisième incarnation des Cyclones. A sa gauche, avec une Stratocaster, elle aussi Fiesta Red, Bernard Ferraro. La guitare à son tour ne tardera pas à rejoindre les Fantômes, échangée contre la deuxième Jazzmaster de Jacky Pasut. Vous suivez toujours?

Cette guitare Voss s’est vendue sur Ebay USA en novembre 2012 pour $ 153,50. Comme pour la guitare d’Hadi Kalafate, le manche est composé de 3 pièces, essence foncée, essence claire au milieu, essence foncée. Il est équipé d’un truss-rod, réglé par le haut. La guitare ne comporte pas (plus ?) de plaque métal à la fixation du manche au corps par 4 vis. La finition n’est plus pailletée (c’est aussi le cas sur certaines Hagström De Luxe dont on sent bien qu’elles ont inspiré ces Voss) mais la table et le fond sont en placage de noyer (avec un très beau liseré noir / damier sur la table, noir / ivoire sur le fond) et un placage de bois clair (érable) pour les éclisses. La plaque de protection est certainement d’origine (son dessin est le même que sur la guitare d’H. Kalafate), mais qu’en est-il des petites étoiles ? ce qui permet de penser que la guitare n’est équipée depuis l’origine que d’un seul micro, ce qui est cohérent avec les deux potentiomètres . On ne voit pas de jack sur la plaque, on peut supposer qu’il se trouve sur l’éclisse, mais dans une position très basse, contrairement à la guitare d’H. Kalafate. Le micro, américain, n’est pas d’origine. Il s’agit d’un Rowe DeArmond d’un modèle habituellement monté sur les Harmony. Il en est de même pour le joli cordier « papillon » japonais NIPPONGENGAKKI. La table ne comporte pas le logo Voss et l’enchère ne faisait nulle part référence à la marque.

Photos : Stanislas Grenet

Stanislas Grenet et Marc Sabatier

8 avril 2015