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Depuis la Gibson
Les Paul STD sunburst d’Eric Clapton et la Grestch 6120
orange de Brian Setzer on sait quelle influence peut avoir
la notoriété d’un artiste sur la cote d’un instrument
vintage et comment elle peut propulser irréversiblement vers
des montants hors de portée (en tout cas pour la première)
du guitariste ou du collectionneur lambda des guitares qui
avaient jusque-là pris le soleil dans la devanture d’un
pawnshop. |
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https://www.youtube.com/watch?v=S4rfx9Hyq5I |
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Les Chats
Sauvages - Est-ce Que Tu Le Sais? |
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Il n’en va pas
autrement pour les Jacobacci de l’époque Major et plus une
Ohio ou une Texas se rapprochera exactement des modèles
joués par Johnny Hallyday, les Chaussettes Noires ou les
Chats Sauvages, plus cher il vous en coutera. Si l’Ohio
manche bois et jack sur la plaque de Johnny ou les deux Ohio
spéciales des Chaussettes noires n’ont pas encore réapparu,
il vous faudra tout de même dépenser du simple au double
pour une Ohio dans son état d’origine avec la plaque de
protection blanche (la préférée de la deuxième vague des
groupes français,
Les
Mercenaires en tête) par rapport au modèle suivant,
équipé d’une plaque noire.
A quelques jours
du bouclage « Guitares Jacobacci, un atelier de lutherie à
Paris » et avant que son propriétaire ne nous envoie les
photos de cette
Texas
1959 3 micros nous désespérions encore de mettre
la main, pour la faire figurer sur le livre, sur une Texas
gold top (pour reprendre, pour simplifier, la terminologie
Gibson) avec le
cordier « une vague », proche de celui des Royal, qui
équipait les premières versions du modèle. |
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Au mois de
décembre 2012
cette guitare
est proposée aux enchères, sans réserve mais avec un prix de
départ de 1.500 EUR sur Ebay France.
Les photos ne sont pas
extraordinaires , la guitare
semble dans un triste état, mais la description qu’en fait
le vendeur est en tout point exacte : référence aux Chats
Sauvages (la guitare a le cordier « une vague », 2 micros RV
Tonemaster, la construction sandwich du corps), date de
l’instrument et chronologie du modèle, et elle est
effectivement presque complète : mécaniques SB, micros,
attache courroie, chevalet ainsi que la plaque ovale, en
métal chromé, qui reçoit la prise jack (autant de pièces
difficiles voire impossibles à retrouver). Manquent
seulement à l’appel les boutons originaux des potentiomètres
(les rondelles en métal chromé sont bien là) et la plaque
arrière en celluloïd, cristallisée et désagrégée depuis
longtemps. La plaque de protection n’est peut-être (sans
doute) pas d’origine mais sa patte d’attache chromée, oui.
Le chevalet est du type Royal
alors que la guitare de J.-C. Roboly était équipée d’un
chevalet Lustigman, réglable. Les
enchères se terminent sans qu’elle ne trouve preneur. |
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Sous le jupon de
la pauvre Hélène
Sous son jupon mité
Moi j´ai trouvé des jambes de reine
Et je les ai gardées ... |
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Après avoir
vainement essayé de la marchander (il nous en coutera bien
1.500 EUR), nous achetons la guitare pour la restaurer dans
l’esprit de la Texas de Jean-Claude Roboly. Après réflexion
et divers essais, nous décidons de garder dans leur finition
d’origine : les éclisses, nettoyées, le placage de tête,
nettoyé, ainsi que toutes parties métalliques, passées au
Ouator : elles ne seront, suivant le cas, ni rechromées, ni
replaquées or. Les boutons en galalithe des
mécaniques SB, déformés, ne seront pas refaits. La table et
le manche seront revernis. Les plaques avant et arrière en
celluloïd seront remplacées. La table sera repeinte dorée,
gold top (il aurait probablement été impossible de refaire
la finition pailletée, proche des Hagström, des versions
suivantes). Nous ne voulons ni faire une guitare neuve (la
patine de l’ancien sera conservée là où c'est possible) ni "reliquer"
les éléments qui seront restaurés. Certaines parties seront
d'époque, et d’autres seront rénovées, un peu comme on
pourrait restaurer un bâtiment ancien en ruine. |
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Le manche et la
tête :
La tête est
décollée à sa jonction avec le manche. La touche, déjà
décollée sur la moitié de sa longueur, ainsi que les repères
rectangulaires en Nacrolaque sont déposés avec précaution.
Le manche est vrillé et courbé vers l’arrière. Les deux
barres de renfort en acier, oxydées, sont décapées. Elles
sont collées à l’Araldite pour les solidariser au maximum à
la partie arrière du manche et pour tenter de la redresser,
le tout est bloqué en bonne position, pendant le séchage,
dans un montage réalisé pour l’occasion.
La touche est recollée. Le manche est bien droit. Opération
100 % réussie.
Les frettes, très fines, sont pratiquement sans usure mais
les filets en bord de manche, en bien mauvais état, sont
changés. |
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Il faut refaire
la peinture du manche. Nous n’avons encore jamais refait de
sunburst, mais il faut bien se lancer!
Nous disposons heureusement d’un matériel de peinture
correct, avec un compresseur de 100 litres et divers
pistolets à peinture de tailles adéquates. Les teintes
choisies se rapprochent de celles, originales, encore
présentes sur les éclisses : teintures jaune et rouge de
chez Gewa, peinture « rouge vin » RAL 3005, ayant servi à
repeindre à l’origine une moto Jawa de 1960. Les différentes
zones s’inspirent de celles de la
Texas 1959 3 micros . Trois essais seront nécessaires
avant que la répartition des couleurs ne nous convienne. Les
filets, en bord de manche, sont traités séparément avec un
vernis coloré avec de l’ocre jaune, afin de leur donner un
aspect vieilli. Un vernis brillant recouvre le tout et met
en valeur l’érable tigré du manche. Les repères
rectangulaires sont recollés.
Nous montons des
cordes sur la guitare et la faisons essayer à un ami,
guitariste professionnel, afin de vérifier si elle est
jouable. Verdict : très bien, pas de problème ! |
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La table
Au décapage celle-ci laisse apparaitre, sous deux couches de
grenat recouvrant presque entièrement les filets blancs (en
excellent état, c’est une bonne surprise, ils seront
conservés), une sous couche blanc/crème, faïencée qui
s’arrête aux filets. Il s’agit probablement de la finition
d’origine (on retrouve la même teinte sur les éclisses),
préfigurant
les
tables grenat pailletées apparues vers 1961. Nous ne
renonçons cependant pas à notre projet « Chats Sauvages » et
la finition gold top de la table.
Guitar
ReRanch aux U.S.A. propose bien des bombes
aérosol, mais l’expédition par avion est interdite. Non sans
difficultés, nous en trouvons finalement en Espagne mais le
doré, s’il se rapproche plus ou moins de celui des Gibson
Les Paul est par trop différent de celui des exemplaires
connus de Texas. Nous nous rabattons sur un mélange maison
de peinture dorée, “vernis bistrot” incolore et chêne doré,
additionné de poudre de bronze (déjà utilisée par Roger
Jacobacci pour ses guitares). Après une sous couche blanche,
une première couche légèrement poncée et une deuxième
couche, le résultat est tout à fait satisfaisant. |
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La plaque arrière
Les morceaux
cristallisés restants montrent que la plaque arrière était
en celluloïd imitation écaille de tortue. Une plaque de 3 mm
d’épaisseur, au motif similaire à
celle-ci,
est commandée chez
Décoracet à Oyonnax .
Une première plaque est découpée, avec un retrait d’environ
1 mm par rapport au corps, comme sur les photos de Texas que
nous avons pu consulter, sans que nous soyons satisfait du
résultat. Une deuxième plaque est réalisée, sans retrait
cette fois-ci. |
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Les boutons
Toujours dans l’optique « Chats Sauvages », nous décidons de
monter sur la guitare
ces
boutons blancs « troncs de cônes », utilisés de 1959 à
1960. Des originaux sont, bien sûr, introuvables. Qu’à cela
ne tienne : nous réalisons un moule en silicone RTV à partir
d’un exemplaire aimablement prêté par
Gérard
Beuzon, moule dans lequel nous coulons une résine
polyuréthane teintée avec une poudre ocre jaune. Si la base
des boutons et la cavité intérieure destinée à recevoir
l’axe du potentiomètre sont sensiblement différentes des
originaux, l’extérieur fait quant à lui parfaitement
illusion (l'original est à gauche, la copie à droite). |
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Les micros et
l’interrupteur
L’interrupteur est-il d’origine ? Vu son état et les
découpes dans le corps, c’est tout à fait possible ! A quoi
servait-il ? Un contacteur 3 positions permettant la
sélection des micros ? Une sorte de Varitone, comme sur les
Gibson ES-345 et 355? Pour rester encore dans l’idée Chats
Sauvages, nous décidons de ne pas le remplacer et la défonce
sur la table est comblée par une rondelle de bois, emmanchée
et collée. Les micros sont démontés et envoyés pour
restauration à
Nicolas
Mercadal (Benedetti). Le câblage est refait avec un
réglage de volume par micro, un volume général et un réglage
de tonalité. |
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Le logo et le
numéro de série
Si vous vous reportez à la page 69 du livre Guitares
Jacobacci, un atelier de lutherie à Paris, vous pouvez lire
que « les premiers modèles portent le logo
Texas
en lettres cursives » (photos de dessous), antérieur au logo
script
TEXAS
(photo de dessus). Cette guitare, qui porte un logo script
et le numéro 24 1 59 (janvier 1959), précède la
017 2 59
(février 1959), logo cursif et semble prouver le contraire.
Difficile de dire si les deux logos ont cohabité ou si l’une
des guitares a été post ou antidatée et pourquoi … |
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Pickguard
Nous demandons au propriétaire de la Texas 59 3 micros un
patron de la plaque de protection sur papier calque avec la
mention LABEL DE QUALITE, que nous voulons reproduire, ainsi
que des précisions sur son épaisseur, le retrait du
chanfrein et le matériau utilisé.
Le pickguard est découpé et gravé au laser dans une plaque
de plexi-glass, avant d’être peint avec un reste du mélange
ayant servi pour la table. Le mélange a sans doute un peu
“tourné” et lui donne un aspect particulier vintage que nous
décidons de conserver. |
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Cliquez pour agrandir |
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Après 8 mois de
travail, des dépenses non négligeables, de très nombreux
essais, beaucoup de patience et de minutie, le projet est
achevé. Nous avons eu la chance d’avoir accès à un modèle
très proche dans son état d’origine. Quand ça été possible,
nous avons fait appel aux meilleurs fournisseurs (Décoracet,
Nicolas Mercadal). Quand cela a été nécessaire (couleur Gold
Top, moulage des boutons) nous avons trouvé des solutions
alternatives satisfaisantes. Le résultat est conforme à nos
attentes : cette version rare du modèle Texas est restaurée
et jouable. En attendant de trouver la même dans son état
d’origine … et pourquoi pas, celle de Jean-Claude Roboly. |
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Retrouvez
la page consacrée à cette guitare sur le site Internet
Guitares Jacobacci. |
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Marc Sabatier. Photos Guy Audoux et François Charle |
13 avril 2014 |
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