When I was a little kid -- and when I was
older, too -- I collected baseball cards. I guess I still
collect them, inasmuch as I have not thrown my collection
away.
Presumably, neither has my mother.
Quand j’étais petit – puis quand j’étais plus
grand aussi – je collectionnais les cartes de baseball. Je
suppose que je les collectionne toujours, dans la mesure où
je ne me suis pas débarrassé de ma collection, ni ma mère
non plus, j’espère.
But there are no baseball cards in France.
They have never heard of Zoilo Versalles or Tom Satriano.
Never heard of Dave Vineyard or Harmon Killebrew! And those
little soccer stickers they sell are just unacceptable.
There are no checklists outlining and defining and
cataloging the insubstantial stickers.
They are, in a collector's sense, chaotic,
unappealing.
Il n’y a pas de cartes de baseball en France.
Ils n’ont jamais entendu parler de Zoilo Versalles ou de Tom
Satriano. Ni de Dave Vineyard ou de Harmond Killebrew ! Ces
petits autocollants de football que l’on y vend sont tout
simplement impossibles. Sans que rien ne permette de
les classer, croiser ou regrouper de quelque façon que ce soit,
ces vignettes vides de toute substance, ne présentent
pas le moindre intérêt pour le collectionneur.
But the true collector (me for instance) will
not be denied the perverse pleasure of piling up an
assemblage of any sort for the sole purpose of having "the
entire set." Mental health experts agree, this is one
hallmark of the superior mind – the need to amass.
Mais on ne peut refuser au vrai
collectionneur (comme moi, par exemple) la perverse
satisfaction d’amasser un ensemble d’à peu près n’importe
quoi dans le seul but de « les avoir tous ». Les
spécialistes du cerveau sont formels, ce besoin d’amasser
est la marque d’un esprit supérieur.
I have fulfilled my need with metro tickets.
Yes. Those little yellow tickets that you see all over the
floors of metro stations across Paris. Yes, this is what I
seek in this life. And I seek with gusto.
Les tickets de métro m’ont permis de combler
ce vide. Oui. Ces petits tickets jaunes qui jonchent le sol
des stations de métro parisiennes. C’est ce que j’attends de
la vie. Avec passion.
Nothing could be more rewarding than a lazy,
under-populated Sunday spent in metros from Gambetta to Pont
de Sevres searching for the more elusive ones. Mind you, I'm
not collecting random tickets -- I'm collecting the ones
with the names of the stations on them. This is what makes
me truly happy. Right under where it says RATP, boldly,
importantly, there is the name of the station where the
ticket was purchased. This is not true of the bargain
tickets bought in carnets of ten tickets. Not true, and
those tickets are scum to me, absolutely worthless, as any
collector could tell you.
Quoi de plus gratifiant qu’un dimanche passé
à paresser dans les stations désertes entre Gambetta et Pont
de Sèvres à la recherche des plus rares. Je ne collectionne
pas les tickets au hasard, figurez-vous – Je ne collectionne
que ceux qui portent un nom de station. C’est ça mon vrai
plaisir. Juste en dessous de là où il est écrit RATP, en
gras, non sans une certaine importance, se trouve le nom de
la station où le ticket a été acheté. Ce qui n’est pas le
cas pour les carnets de 10 tickets à tarif réduit. Ce n’est
pas le cas et je considère ces tickets comme de la crotte,
sans aucun intérêt, ce que n’importe quel collectionneur
vous confirmera.
I look in the little stainless steel trash
cans for them. Yes, that is the chief source of my passion.
The other people on the platform regard me with interest for
a while (A well dressed young man searching through a trash
can is interesting) but they lose their interest very
quickly as they note the vigor with which I go about my
secret and cryptic business. They note the subtle, furtive
urgency. The Debussy-like sensitivity of the artistic
fingers. The care. And when the Lord favors me, and I find
something like, say, a Botzaris, well, they stand back
respectfully. Yes. They see the joyous beam of that light
that can come from nowhere else. And -- it's
unfortunate and I know it -- they worriedly ponder the
possibility that perhaps they have not made the right life
choices. I would tell these wayward souls “It’s never too
late!”
Je les cherche dans ces petites poubelles en
acier inoxydable. Oui, c’est là la source principale à
laquelle j’abreuve ma passion. Les autres gens sur le quai
m’observent pendant quelques temps, intéressés (un jeune
homme bien habillé qui fouille dans les poubelles, en effet,
c’est intéressant) mais se lassent rapidement quand ils se
rendent comptent avec quelle frénésie j’accomplis cette
tâche secrète et obscure. Ils sont conscients de cette
urgence subtile, furtive. De ce touché artistique,
hypersensible, à la Debussy. Du soin apporté. Et si les
dieux me sourient et que je mette la main sur, disons, un
Botzaris, ils se tiennent alors à une distance
respectueuse. Oui. Ils perçoivent ce rayon de lumière qui ne
peut venir de nulle part ailleurs. Et – j’en ai conscience,
malheureusement pour eux—s’interrogent peut-être pour savoir
s’ils ont fait les bons choix dans leur vie. La seule chose que je
puisse dire à ces âmes en errance c’est qu’il n’est « jamais
trop tard ».
I have to go through thousands of tickets
before I get anything worthy. Carnet tickets (generic and
nameless) account for about 90% of the trashcan population.
And all of those stations that I already have tickets for --
well they (the duplicate tickets) can just kiss my ass,
because I don't need them anymore.
Too late, babe!
Je dois trier des milliers de tickets avant
de tomber sur quelque-chose d’intéressant. Les carnets de
tickets (génériques, anonymes), constituent près de 90% du
contenu des poubelles. Et les tickets des stations que j’ai
déjà – et bien ils (les tickets en double) peuvent aller se
faire voir. Je n’ai plus besoin d’eux. Trop tard, mon
gars !
Anywho, it's really a tedious business going
through those trash cans, but it means the world to me. The
love is there: Filles du Calvaire, Dugommier, Ourcq. I love
these musical words. Daumesnil, Iena, Balard! But they are
so hard to find. One must want this. Sometimes there are
cigarette ashes, water, or stuff that looks like marmalade
on my tickets. This makes me very angry. At times I lash out
at a guiltless, though nearby voyager.
Si l’inspection de toutes ces poubelles
constitue un travail fastidieux, elle représente cependant
tout pour moi. L’amour est là. Filles du Calvaire,
Dugommier, Ourcq. J’aime la musique de ces mots. Daumesnil,
Iéna, Balard ! Ils sont si difficiles à trouver. Il faut
vraiment en vouloir. Il arrive que mes tickets soient
couverts de cendres, d’eau ou de de quelque chose qui
pourrait être de la confiture. Ce qui me met dans une colère
noire. Il m’arrive de fusiller du regard un innocent usager
dont le seul tort se trouver là.
Sometimes a thoughtless rider will rip his
ticket up at the conclusion of the ride, just like someone
who would shoot a buffalo from a train and leave it to rot.
These people are sick, because they think only of
themselves. Once their desires are sated, the ticket means
nothing. One day I went to the Liege station. As you know
it's on line 13, between Place Clichy and Saint-Lazare.
Liege is one of the two metro stations (the other is Rennes)
that close on Sundays. I knew that if I could get a Liege
ticket, then I could get anything.
Il arrive qu’un voyageur inconscient déchire
son ticket à la fin de son voyage, comme quelqu’un qui
aurait tiré sur un bison depuis la fenêtre d’un train et
laisserait sa carcasse pourrir. Ces gens sont dérangés, ils
ne pensent qu’à eux. Une fois leur désir assouvi, le ticket
ne représente plus rien pour eux. J’étais une fois à la
station Liège, qui se trouve, comme vous le savez, sur la
ligne 13, entre Place Clichy et Saint-Lazare, une des deux
stations de métro, avec Rennes, fermées le dimanche. Je
savais que si je pouvais mettre la main sur un ticket Liège
alors je pourrais avoir n’importe quel autre.
It was a fruitless, three-hour investment. I
went up and down line 13, but again and again I was refused
the visceral, almost sexual pleasure that I had been so
confident of. But I did not go to bed that night a beaten
men. "Liege can kiss my ass," I thought comfortably. "When
she sees what I've done with all those other tickets, she'll
be begging for it – begging to belong! There will be Liege
tickets all over the place," I chortled quietly and went
into a beautiful, white-tiled sleep.
Ça a été trois heures d’efforts aussi
intenses que vains. J’ai parcouru la ligne 13, toujours et
encore, dans les deux sens, sans ressentir le plaisir
viscéral, quasi sexuel, que je me croyais promis. Je ne me
suis pas couché battu cette nuit-là. « Liège peut aller se
faire voir » pensais-je plein d’assurance. « Quand il verra
ce que j’ai fait pour les autres tickets, il me suppliera,
il me suppliera d’en faire partie ! Il y aura des tickets
Liège absolument n’importe-où ». Je me suis endormi en
gloussant, d’un sommeil magnifique et immaculé.
There are 291 metro stations in Paris, from
terminus to terminus.
Strasbourg-St. Denis is the ugliest.
There are also some incredible ones in the
east of Paris -- metros that nobody goes to ever. The Louvre
metro is flashy and I hate it. The whole of line no. 1
repulses me. All the famous stops are on that line.
Concorde, Louvre, Chatelet, blah, blah, blah. Big deal. Give
me a nice ride on line no. 7 to Fort d'Aubervilliers. Riquet,
Crimee, Stalingrad! You see? Underground poetry.
Il y a 291 stations de métro à Paris, de
terminus à terminus. Strasbourg-St. Denis est la plus laide.
Quelques-unes dans l’est parisien, là où personne ne va
jamais, sont aussi incroyables. La station du Louvre est
flashy et je la hais. Toute la ligne n°1 me fait horreur.
Toutes les stations célèbres s’y trouvent. Concorde, Louvre,
Chalet, bla-bla-bla. La belle affaire. Parlez-moi plutôt
d’une belle course sur la ligne n°7 vers Fort
d’Aubervilliers, Riquet, Crimée. Stalingrad. Vous voyez? La
poésie du métro.
I
have tickets from over half the metro stations. I have 155
tickets. I especially want a Colonel Fabien, and of course a
Liege. The left bank of the Seine has many metros that are
virgin to me. But this will change. They will learn. I will
soon consecrate the bond of obedience. I will never buy a
ticket. I could always pay three and a half francs for a
Liege ticket, but it's not the same when you buy. They must
come to you willingly. And, in some trash can out there, she
is waiting patiently, burning for my first touch. Waiting
expectantly as she hears the first rustle of a warm friendly
hand, gently pushing aside Le Figaro, lifting with
infinite softness that vomity Pariscope, until
urgent, electrifying contact has been made. Majestic
Triumph. She is mine and now she will join all the others
from line 13, where she belongs.
J’ai les tickets de plus de la moitié des
stations de métro. J’en ai 155. Je veux absolument mettre la
main sur un Colonel Fabien et bien sûr sur Liége. Beaucoup
de stations de la rive droite me sont encore inconnues. Mais
ça va changer. Elles vont perdre leur virginité. Je ne
tarderai pas à les soumettre. Je n’achète jamais de tickets.
Je peux me payer un ticket Liège pour 3.50 F mais ce n’est
pas pareil si on les achète. Il faut qu’ils viennent à moi
de leur plein gré. Et ils m’attendent patiemment dans
quelque poubelle, brulant d’entrer à mon contact. Attendant
plein d’espoir le premier bruissement d’une main amicale,
poussant doucement Le Figaro de côté, soulevant avec une
infinie douceur l'infâme Pariscope, jusqu’à ce qu’à ce
produise le contact, électrique et urgent. Triomphe
majestueux. Il est à moi et ne tardera pas à rejoindre les
autres de la ligne 13, là où est sa place.
I have tried earnestly to get my few friends
to realize the inherent grandeur in my project. But they are
pursuing their own hedonistic life goals; Nothing I say can
help them or open their eyes. They really don't care and
they tell me so, just like little children who say they
don't like Goethe or Matisse. I can only feel the sorrow and
the pity for them, and neighborly-like, I do what I can by
leaving my duplicate tickets in their mailboxes, hoping that
when they see that lovely block lettering....I'm only hoping
for a spark of interest, a flicker, if you get my point.
J’ai essayé de mon mieux de convaincre mes
quelques amis de de la grandeur inhérente à mon projet. Impossible de
les détourner des buts hédonistes qui sont les leurs ; rien
que je puisse dire ne peut ouvrir leurs yeux ou les aider.
Ça ne les intéresse vraiment pas et ils ne se privent pas de
me le faire savoir, tout
comme un enfant vous dirait qu’il n’aime pas Goethe ou
Matisse. Je ne ressens pour eux que chagrin et pitié et, en
toute amitié, autant que je peux, je confie mes doubles à
leurs boites-aux-lettres en espérant qu’ils remarqueront les
blocs de cette police adorable ... je n’espère qu’une
étincelle d’intérêt, un frémissement, si vous voyez où je
veux en venir.
My teachers likewise have failed to see the
academic value in such a project. I am trying at this moment
to get college credit for this noble geographic quest, but
my school's officials have only mocked me cruelly. Cretinous
boobs. The infidels will rule the day; This constant
resistance can only serve to whet my appetite for that final
big meal. That last supper. That last complete, yellow and
beautiful No. 291!
Mes professeurs non plus n’ont pas saisi
l’intérêt académique que pouvait présenter ce projet.
J’essaie en ce moment de faire valider ces recherches par
l’Université mais je n’ai récolté de mes maitres que de
cruelles moqueries. Connards.
Les mécréants font la loi de nos jours; cette
résistance ne peut qu’aiguiser mon appétit pour le plat de
résistance. Le Graal. Le dernier, jaune et magnifique, le
n°291 !
O.K. I've let my studies slide and maybe I've
put on a little weight. Maybe I don't sleep very much. And I
am starting to drink a lot and not shave and not take too
many showers, either. And I don't speak with other people
anymore unless it concerns those metro tickets. But I submit
that it is not ruining me. Rather that it is a sort of moral
transcendence, a key to a certain sleazy immortality, if you
will. A way to escape that final inescapable paradoxical
prison that is mankind. I will triumph.
OK. J’ai laissé tomber mes études et j’ai
sans doute pris un peu de poids. Peut-être que je ne dors
plus beaucoup. Et je commence à boire pas mal et à ne plus
me raser ni prendre trop de douches. Et je ne parle plus aux
autres à moins que cela concerne les tickets de métro.
Mais je soutiens que ça ne ruine pas ma vie. C’est plutôt
une sorte de transcendance morale, la clé d’une sorte
d’immortalité sordide, si vous voulez. Un moyen d’échapper à
cette prison paradoxale et sans issue qu’est l’humanité. Je
vaincrai. |
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